Face aux nouvelles incertitudes, le secteur du retail n’a plus le choix. Il doit accélérer sa transformation digitale, stratégique et humaine. Le point de vue de Laurent Homeyer, Strategic Industry Advisor, Retail and Hospitality.
A l’automne 2020, les hypothèses économiques ne sont pas optimistes pour le secteur du retail. Le cabinet d'études Forrester a publié avant l’été ses prévisions “post Covid-19” : le commerce de détail baisserait en 2020 de 9,6 %, soit une perte de chiffre d'affaires de 1 800 milliards de dollars à l'échelle mondiale. Sans jouer les prophètes de mauvais augure, il y a fort à craindre que le contexte actuel aggrave cette projection déjà bien pessimiste...
Car le constat est sans appel : en quelques mois, les comportements des consommateurs ont profondément changé. Après un pic sans précédent des achats en ligne, le retour des clients dans les magasins reste plus que jamais complexe et incertain. Et les enjeux prégnants qui existaient déjà dans le « monde d’avant » - à savoir dépendance logistique et de sous-traitance, tendance à la déconsommation, recherche de sens, concurrence exacerbée, réduction des marges et explosion du commerce en ligne - s’accélèrent sans possibilité de retour en arrière.
En 2021, les acteurs du retail continueront donc à faire face à des contraintes de croissance et l'augmentation des ventes en ligne ne sera probablement pas suffisante pour compenser les pertes dues aux fermetures de magasins. D’autant plus que 42 % des Français envisagent de diminuer leurs dépenses d'habillement suite au confinement. Ils déclarent avoir pris conscience que « certains achats n'étaient pas utiles » (étude OpinionWay pour Fastmag, avril 2020).
Dans ce contexte d’incertitude, les retailers n’ont pas d’autre choix que de se doter - au cœur même de leur ADN - d’une agilité organisationnelle permanente pour leur permettre d’anticiper très rapidement les crises de toute nature. En d’autres termes, d’envisager tous les « what if scenarios » en évaluant la rentabilité de chaque initiative et son rapport coûts-bénéfices. Ainsi, si des boutiques devaient à nouveau être fermées ou leur fréquentation fortement perturbée par des « éléments extérieurs », ils pourront gérer efficacement leurs finances, les ressources humaines et leur back office.
Cela implique de s’appuyer sur trois piliers : l'organisation, les compétences des collaborateurs et la planification dynamique en continu. Sans oublier les solutions à base d’intelligence artificielle, d’automatisation et d’aide à la décision qui les aideront à construire plus de scénarios potentiels avec une plus grande précision économique.
Cette transformation numérique des acteurs traditionnels du retail devient urgente : tout retard ne pardonne plus ! D’autant plus que la pression concurrentielle des Digital Native Vertical Brands est forte. Ces pure players du e-commerce savent créer rapidement une marque « communautaire » en maîtrisant la chaîne de valeur de A à Z. Elles ont peu de frais car pas de magasins et - en jouant sur la transparence et la viralité auprès de leurs communautés - elles se positionnent en véritable « game changers ». Les marques traditionnelles de l’habillement ou des cosmétiques ont de bonnes raisons d’être inquiètes...
Pour autant, la transformation digitale ne se limite pas au e-commerce, loin de là. Les outils et les processus numériques sont plus que jamais indispensables à l’activité même des retailers : gestion de la trésorerie, pilotage des performances et visibilité sur l’activité, gestion des stocks et de la supply chain, déploiement d’un réseau de distribution « full omnicanal »… autant de domaines qui nécessitent une numérisation poussée des processus et des flux de communication. Mais aussi des collaborateurs engagés et fidèles, ce qui n’est pas une mince affaire !
Les Millenials - qui constituent l’essentiel des collaborateurs du retail - ont autant d’attentes vis-à-vis de leur employeur que les consommateurs vis-à-vis des marques. Ils sont volatils et font subir un turnover important aux enseignes. Celles-ci doivent donc, pour les attirer au-delà du seul salaire, préciser leur proposition de valeur et leur engagement RSE. Mais aussi se doter des moyens pour les informer, les former et appliquer les nouvelles pratiques agiles « en boucle courte ». C’est-à-dire tester sur quelques magasins, mesurer et analyser avant de déployer à l’échelle nationale.
Mais cela ne pourra pas se faire sans le développement de nouvelles compétences et la réorientation de certains collaborateurs. Transformer un simple vendeur en conseiller de clientèle connecté et à la pointe des informations sur la qualité, la disponibilité ou l’origine des produits ne se fait pas en un claquement de doigts ! Les retailers devront donc rapidement repenser le contrat social dans leur entreprise pour accompagner la transformation des métiers et proposer des parcours de formation adaptés, évolutifs et modernes.
Faire revenir les clients dans les magasins constitue sans aucun doute le grand défi de 2021. Assurer la sécurité sanitaire des consommateurs tout en enrichissant l'expérience client : le défi est de taille ! La solution pour les enseignes : réussir la convergence de l'online et de l’offline pour un parcours client 100 % omnicanal, fluide et sans couture. Mais le commerce « phygital » ne rencontrera le succès que s’il se dote d’outils de pilotage et de visibilité extrêmement précis, au niveau du magasin comme dans les entrepôts ou au siège de l’enseigne. Ces outils de planification et d’analyse doivent fournir aux décideurs de manière continue les indicateurs clés et une vision multidimensionnelle sur toute l’activité, en ligne comme dans les magasins. L’objectif : leur permettre d’intégrer plus rapidement les changements d’organisation, simplifier les circuits de décision, agir et analyser le résultat de l’action. Un cercle vertueux qui peut se résumer en un terme simple : l’agilité opérationnelle.
Vous souhaitez en savoir plus: lire l’ebook Retail 2021 - de nouveaux modes de consommation, une agilité permanente